02/09/2014
100 ans de publicité de lingerie fine
Nouvelle collaboration sur VivelaPub ! J’ai aujourd’hui l’honneur d’accueillir Margot Pagès, passionnée de mode et de lingerie, blogueuse mode et fondatrice de Miroir de Muses, boutique en ligne de lingerie fine. Margot nous propose une rétrospective de la publicité pour lingerie de 1900 à aujourd’hui, qui, comme vous le verrez, est fortement liée aux diverses tendances sociétales…
Catalyseur ou reflet des évolutions sociétales, la publicité lingerie a un enjeu fort : représentation de la femme, des valeurs féminines, de la nudité, et du rapport de séduction homme / femme. D’abord centrée sur une approche technique, voir médicale, avant de basculer dans une provocation affichée, la communication lingerie a eu une évolution intimement liée à l’histoire de la pudeur, et de la libération de la femme. Rétrospective, d’hier à aujourd’hui.
1. 1900 – 1940 La femme respectable
Comment vanter un produit aussi intime qu’un corset, un soutien-gorge ou un porte-jarretelles sans choquer la pudeur ? En faisant un sujet tout à fait respectable et sérieux : une question de santé et d’innovation technologique ! Au début du siècle, la pose du modèle, dessinée, peut être quelque peu lascive – à peine – du moment qu’un argumentaire volontairement austère l’accompagne… Les conseils médicaux figurent toujours en bonne place aux côtés d’une description détaillée des matériaux employés ou des nouveautés techniques.
Voici, par exemple, le genre de détails que l’ont peut lire dans une annonce parue dans un numéro de L’Illustration de 1910, accompagnant un dessin de corset : « Ce nouveau modèle est vraiment une trouvaille, car il supprime les épaulettes si désagréables pour les blouses transparentes, le devant du soutien-gorge étant maintenu par deux baleines.»
Jamais, bien sûr, aucune allusion ne sera faite à la fonction érotique du dessous. Pourtant, pour qui ou pour quoi les femmes acceptent-elles de porter des sous-vêtements aussi inconfortables, si ce n’est pour plaire ?… Mais il faudra attendre bien des années avant que les publicitaires osent s’aventurer sur le terrain glissant de la séduction.
2. 1940 – 1950 – La femme au foyer
Si quelques images comme celles de Scandale montrent dès les années 50 une femme séductrice dans des poses lascives, la plupart des publicités de l’après-guerre orientent leur discours vers la femme au foyer. La femme Lou déclare « Femme d’intérieur oui ! (il faut bien)…mais « Popotte », non ». Elle s’occupe du linge, passe l’aspirateur mais reste « fraîche et pimpante » avec des seins fermes pour son mari… Il n’est pas question de se plaire à elle-même mais bien d’honorer le devoir conjugal !
L’influence d’Hollywood et de ses femmes fatales commence cependant à se faire sentir, et on voit apparaître les premières photos de vraies femmes en lingerie. Les images restes cependant très figées, et le résultat fait encore songer aux mannequins articulés ou à des femmes statues. Tout au plus peuvent elles lever un bras, quelques fois les deux… et on s’en remet aux accessoires pour égayer l’atmosphère.
3. 1960 – 1980 La femme libérée
Il faudra attendre la fin des années 60 et la libération des mœurs pour que l’image d’une lingerie sulfureuse se fasse plus explicite. La publicité va proposer l’image d’une femme active et libérée, oscillant entre féminisme et féminité.
On privilégie cependant le confort, la douceur, et le naturel, pour représenter une sensualité insouciante et légère, à l’image de l’âge d’or.
4. 1980 – 2014 – La femme hyper-sexuée
Les années 80 marquent un revirement vers l’hyperféminité. On comprend que le sexe fait vendre, et les publicitaires s’en donnent à cœur joie. Tour à tour dans des positions d’abandon ou de défis, aguicheuse ou conquérante, la femme s’affiche clairement sexuée. Au point que certaines marques mettent en avant plus l’objet du désir que l’objet à vendre…
La communication lingerie est clairement dominée par la tendance à l’extraversion, voire à l’exhibition, et la séduction. Les fantasmes sont mis en scènes, soit par exagération (Passionata avec le spot de David Lachappelle), soit par narration (Valentine’s Day d’Agent Provocateur). Les publicités lingerie allient souvent provocation, sensualité et humour, et mettent en scène une femme initiatrice et demandeuse, maîtresse de sa sexualité.
Mais à qui donc s’adressent ces publicités ? Si l’attrait érotique semble s’adresser explicitement aux hommes, elles s’adressent également aux femmes qui les regarderont en se disant que les hommes les regardent… Le désir fonctionne par effet boomerang. Il n’y a donc pas, à proprement parlé, de publicités qui seraient exclusivement conçues pour répondre au fantasme masculin – car cela peut aussi être un fantasme féminin de correspondre au fantasme masculin représenté.
5. 2014 – La femme épanouie ?
Si le fantasme « typiquement masculin » continu à alimenter les mises en scène des publicités de lingerie, la communication semble aujourd’hui se tourner de plus en plus vers les fantasmes « typiquement féminins » – le plaisir narcissique et la jouissance des femmes de leur propre sensualité féminine.
Ne cherchant plus à défier l’homme, mais épanouie dans sa sexualité, la femme se sait naturellement sexy. La lingerie ne fait que la mettre en contact avec cette sensualité innée, un pouvoir féminin.
Faisant écho à la fameuse campagne de leçon d’Aubade, cette publicité de George Rech lingerie prend la position qu’il n’y a « pas de leçon à recevoir ».
C’est aussi le parti pris qui se dégage de la campagne d’ouverture de Miroir de Muses :
Serions nous dans une nouvelle aire de l’émancipation féminine ?
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Un commentaire (+ajouter le votre ?)
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Sulfirh - 23 Oct 2014 à 17:48:19
Aaah, c’est chouette de voir ce site s’enrichir de nouvelles collaborations !
Très, euh, instructif article, d’ailleurs *gloups*. Voilà un sujet qui est sur de toucher une large audience, et dont la lecture était plus que sympa.