26/07/2016
Nike et Jordan, la pub qui a tout changé
Nous accueillons aujourd’hui un nouveau contributeur exceptionnel : Julien Chiron, fan absolu de Basket-Ball et collectionneur émérite (demandez-lui combien de paires de baskets et d’autographes il possède), créateur du blog Cardsmania.fr et contributeur sur Street-rules.com. Julien s’est intéressé aux liens entre la publicité et le plus célèbre des Basketteurs : Michael Jordan. Accrochez-vous bien, il y a beaucoup de choses à dire ! Ceci n’est que le premier tome d’une saga qui vous accompagnera cet été.
Michael Jordan, plus qu’un ex-sportif, une marque.
Une marque qui a pris forme tout doucement au début des années 80 pour devenir 30 ans plus tard un leader absolu dans son domaine, l’équipement sportif et plus particulièrement les chaussures (basket ou sneakers, selon si l’on a 50 ou 20 ans).
Mais comment un basketteur qui a écrit sa légende dans le domaine purement sportif a pu devenir milliardaire et être plus connu pour ses chaussures que pour ses exploits balle en mains ? (sisi, demandez à un jeune de 18 ans et vous verrez…)
Le premier contrat
L’histoire commence en 1984 alors que MJ va entamer sa première saison dans la grande ligue Américaine, la NBA, en sortant d’un titre universitaire avec North Carolina. A l’époque, il n’a pas encore de contrat de sponsoring, il a déjà porté pendant ses jeunes années des adidas ou même des Converse mais toujours rien d’officiel au moment d’être sélectionné par les Chicago Bulls en 3ème position de la Draft 1984.
Son agent de toujours, le très influent David Falk négocie dur en coulisses avec les marques. Il a totale conscience de la pépite qu’il détient et il veut activer la machine à cash le plus vite et le plus fort possible. En plus de l’aspect financier, il impose que la marque qui engagera Jordan créé toute une gamme autour de son image et soit innovante techniquement (sans oublier les petits royalties qui vont bien sur chaque produit estampillé de son poulain).
Converse approche Jordan mais le jeune rookie ne sent pas de potentiel artistique intéressant dans l’offre de la marque (c’est la version officielle mais officieusement, on peut surtout se demander si le fait que Larry Bird et Magic Johnson déjà sous contrat avec Converse n’ait pas freiné le clan Jordan) et ne donnera pas suite. Nike se lance, bien poussé par un Sonny Vaccaro qui avait déjà tout compris et dégaine une offre de $2,5 Millions sur cinq ans, rien que ça. (en rapport son premier contrat avec les Bulls lui rapportera 6 Millions sur 7 ans) adidas avec qui Jordan veut continuer (on raconte qu’il leur présenta l’offre en leur disant que s’ils s’alignaient, ils signeraient avec eux), frileux et plutôt attirés par les grands joueurs à l’époque –ils signeront Kareem Abdul-Jabbar à « la place »- se retirent et c’est la firme de l’Oregon menée par un Phil Knight, jeune co-fondateur qui en veut qui remporte la mise. La meilleure décision de sa vie, tout simplement.
Un pari financier qui pouvait paraître fou à l’époque (beaucoup d’argent misé sur un jeune joueur inconnu du grand public) et c’est comme ça que tout a commencé car c’est bien cette signature qui a absolument tout changé dans le jeu du sponsoring sportif et plus encore, dans la pub, le marketing, la consommation d’équipements sportifs et je dirais même dans l’industrie du sport en général, sans oublier toute la culture urbaine liée. On a tendance à dire que « Jordan a assuré la promotion de Nike et Nike a assuré celle de Jordan. » C’est bien peu de le dire tant la construction de l’image de l’un a été liée à l’autre, créant au passage un véritable empire commercial.
Je vais tenter par l’intermédiaire de quelques sujets à venir de vous expliquer comment s’est opérée cette révolution culturelle et comment cette puissante marque en devenir a utilisé la pub très tôt, dès 1985, pour parvenir au sommet.
Les débuts sur le terrain
Maintenant que les problématiques contractuelles sont réglées, le temps presse, la saison va bientôt commencer et il faut absolument travailler rapidement sur l’image de Jordan et sur son premier pro-model.
Chez Nike, déjà à l’époque, on travaille rapidement et l’idée d’associer une technologie en cours d’étude pour les tennismen, le fameux « Air » -une semelle sur coussin d’air conçue pour absorber les chocs-, à Jordan, réputé pour ses exploits… dans les airs, fait mouche. Pas encore de chaussure mais déjà un slogan qui rentrera dans la tête du monde entier sans jamais en ressortir, Nike « Air » Jordan est créé et les prémices d’un lien commercial unique entre un sportif et une marque avec.
Il faut vraiment mesurer la force de cette marque, dès le début, en parcourant notre histoire à tous, qui n’a jamais entendu une fois dans sa vie « Nike Air Jordan » ?!
La pré-saison NBA approche et toujours pas de pro-model finalisé à mettre aux pieds du jeune MJ. On lui propose alors une version Beta, la Nike Air Ship. C’est avec ce modèle qu’il devra prouver au monde du basket ce qu’il vaut vraiment. Un gros logo Nike, le fameux « swoosh », mouais, pas de quoi casser 3 pattes à un canard, il va falloir faire mieux.
Surtout que les couleurs des prototypes de la première Nike Air Jordan ne plaisent pas vraiment au jeune Michael. Pour lui le rouge et le noir étaient les couleurs du diable, rien que ça.
Commence ici la légende de la Nike Air Jordan I
La NBA à cette époque impose des codes stricts au niveau des équipements. Les basket doivent être blanches. Et Nike en imposant une chaussure colorée (Black & Red) vont faire bouger toutes les lignes. La ligue réagit et demande au club et à son joueur de ne plus se présenter chaussé de basket noires et rouges.
Nike sentant rapidement le coup publicitaire fort, n’accède pas à la demande de la ligue. Qu’à cela ne tienne, à chaque match joué avec ces basket, ce sera $5000 d’amende !
La marque n’abandonne pas et rebondit sur la polémique naissante pour lancer une campagne de publicité incroyablement pensée et qui marquera à jamais la pub. A ce moment, naît la Nike Air Jordan I « Banned ».
Le message est clair, toi jeune consommateur, tu peux faire ce que la NBA interdit à Michael Jordan himself, à savoir porter ses chaussures, alors fonce dans ton magasin le plus proche !
Et bien sûr, le succès a été au rendez-vous instantanément. La chaussure deviendra déjà culte dès février 85 lors du concours de dunks du All-Star Game, perdu par Jordan au profit de Dominique Wilkins mais le joueur des Bulls lança à ce moment un standard à venir, à savoir que Nike sortirait un nouveau modèle de Jordan tous les ans au moment du All-Star Game avec un coloris particulier, porté uniquement pendant ce week-end. Ou comment profiter de chaque instant de médiatisation pour faire vendre, encore plus pendant ce fameux week-end très spécial ou chaque seconde de pub est vendu une fortune, un peu à l’image du Superbowl NFL.
Ce qui est incroyablement fort de la part de Nike dans cette histoire, c’est que tout le monde avait toujours cru que la Jordan I était bien le modèle qui avait été banni. Or, après un travail de recherche formidable, le site SoleCollector a publié un article expliquant qu’il s’agissait bien du modèle Nike Air Ship dans un coloris BRED (pour Black / Red) qui avait été incriminé par la NBA. Rebond incroyable de la part de la marque qui aura réussi à utiliser et médiatiser cette interdiction en rendant populaire une paire de chaussures qui n’était même pas la même à la base.
Un second spot sera produit, lui aussi restant dans les mémoires de tous les fans de basket.
https://www.youtube.com/watch?v=yf6a08dUz98
Ou encore celui-ci :
Ensuite, d’autres coloris viendront dont le non moins célèbre White / Red qui aura été re-proposé à la vente (les fameuses Retro) plusieurs fois depuis 1985.
A noter que comme convenu dans les contrats, toute une ligne de produits aura été conçue et suivra à chaque sortie d’un coloris différent les ventes nombreuses de sneakers.
Ne manquez pas la suite de la saga de l’été consacrée à Michael Jordan et la pub, on parlera la prochaine fois des modèles qui ont suivi avec l’arrivée marquante de Spike Lee aux commandes des spots publicitaires, entre autres !
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