Adieu publicité – partie VI

Vendredi 2 août – VPN mon Amour

Vive l’Internet libre ! Windscribe est notre Radio Londres à Lucas et moi. Non Momo, ceci n’est pas un placement produit pour ce merveilleux VPN qu’est Windscribe. Mon enthousiasme est authentique, je te le promets. Windscribe, je vous aime.

Avec un bon VPN, aucun géoblocage ne peut t’arrêter sur le web. Retrouve les plaisirs du web d’antan, re-bonjour WhatsApp, YouTube, Google, Snap et Insta ! Et dire qu’il y a encore deux mois je ne savais pas ce qu’était un VPN.

Je devrais d’ailleurs postuler chez Windscribe. Le business des VPN est florissant depuis que Le Pen a mis en place sa ligne Maginot 2.0. Avec l’interdiction de la publicité en France, les grands de la Silicon Valley ont adopté trois tactiques :
– La tactique du bon : rester gratuit et continuer à offrir les mêmes services, adoptée par Apple et Amazon. Pour eux, de toutes façon, le cœur du business est ailleurs !
– La tactique de la brute : quitter le pays. Bye bye Google. La Belgique a offert des passeports à nos plus fameux Youtubeurs. Duckduckgo tente bien de remplacer Google dans nos cœurs, mais c’est pas encore gagné. Sérieusement… t’as vu Duckduckgo maps ? Pfffff.. On est de retour en 2010. Un petit coup de Windscribe, une IP belge, et hop ! On retrouve avec plaisir la galaxie Google.
– La tactique du truand : compenser le manque à gagner en devenant un service payant, bravo Facebook ! Te souviens-tu du temps où la page d’accueil de Facebook affichait que l’inscription est gratuite, et le restera toujours ? On s’en fout de Facebook, c’était déjà mort avant, mais Zuckerberg ne propose pas de forfait à la carte pour Instagram et WhatsApp, c’est la formule intégrale ou rien.

Profitons au maximum de Windscribe tant que nous pouvons.

Samedi 10 août – Mon cher journal Moleksine

Je me souviens encore de mon tout premier journal intime. Mon premier Momo ! Mommy me l’avait offert pour mes neuf ans, en revenant de Londres. Elle se faisait beaucoup de soucis pour moi à l’époque. Ce n’est pas parce qu’on est introvertie qu’on est malheureuse Mommy ! Ce premier journal était un moyen pour elle de savoir ce qui se passe dans la tête de sa fille. Et la protection de mes données personnelles bordel ! Ce premier journal était un réveil sensoriel. Je revois encore cette jolie couverture pourpre, je sens encore son cuir, j’ai sur le bout des doigts le grain soyeux et lisse de ses pages, que j’entends encore se tourner délicatement. Signe du temps qui passe, ses belles pages ont légèrement bruni aujourd’hui, mais Momo Ier est gardé bien précieusement dans ma boite du temps, avec mon premier iPad.

C’est ce jour-là, le 16 avril 2013, que j’ai trouvé ma vocation. Je ne serai pas vétérinaire, je serai écrivaine. Une écrivaine à succès, combattant pour toutes les grandes causes. Simone de Beauvoir, fais place à Léa Blanchard-Turner ! Je serai la plus jeune prix Nobel de littérature à 32 ans. J’enchaînerai sur le prix Nobel de la paix deux ans plus tard, et reverserai l’intégralité de cet argent à la fondation Malala Yousafzai…

La réalité fut différente comme tu peux t’en douter. Une crise d’adolescence et un divorce parental plus tard, j’arrête de croire en mes rêves. Me voilà à 18 ans dans un modeste BTS Communication. Comme beaucoup d’artistes frustrés, je fais le choix d’arrêter ma carrière avant même son commencement. Concepteur-rédacteur sera mon lot de consolation. Ma première décision d’adulte raisonnable. Mes romans tiendront en 280 caractères. Est-ce suffisant pour postuler au Nobel de Littérature ?

Mardi 3 septembre – César du meilleur placement produit

La fin de la pub as we know it est finalement une opportunité en or pour moi. L’heure n’est plus du tout à l’ironie cher journal. Axel avait raison de miser gros sur les placements produits il y a six mois. Chloé et moi croulons sous les demandes de toutes parts. Après être devenue la Reine de l’Internet, je m’attaque maintenant aux placements produits dans les films et séries TV ! Mes placements produits passent constamment sous le radar du BRP, les pots-de-vin sont très efficaces sur des fonctionnaires sous-payés ! Désolée de te décevoir, il n’y a pas d’antagoniste fort dans les pérégrinations de ma vie, personne pour bloquer mon ascension fulgurante. Tu vois trop de films.

L’industrie cinématographique est un animal blessé bien intéressant. Elle a besoin des marques, les marques ont besoin d’elle, et il faut bien remplir la grille des programmes des chaînes TV, maintenant que la publicité a fait table rase. C’est win win. À moi de catalyser la réaction chimique.

Je bosse cette semaine sur une nouvelle série originale M6, nous jouons les entremetteurs avec les cigarettes Gitanes.

Pour ce genre de production nationale, tous les placements produits n’ont pas la même valeur : 8000 balles pour une présence à l’écran, 15 000 si un acteur interagit avec le produit, 20 000 s’il cite le produit, 75 000 si le produit tient un rôle important dans le scénario. Avec Gitane, nous sommes sur un contrat à 290 000 Francs pour mettre le plus souvent possible une clope au bec de Charlotte Gainsbourg ! Grâce à la loi Évin, l’industrie du tabac avait un temps d’avance sur tout le monde dans le domaine des placements produits.

Pour ce prix, le contrat stipule que la marque doit apparaître au moins une fois par épisode, de visu ou à l’oral. À moi d’utiliser ma baguette magique et faire passer la pilule auprès des téléspectateurs lobotomisés !

Épisode pilote, première scène.
Voix off : moi, c’est Charlotte. Mais tout le monde m’appelle la Gitane. C’est vrai que j’ai rien d’une princesse. Ma vie n’est pas un long fleuve tranquille.

Face caméra, plan serré sur visage meurtri, mélancolique, marque visible : Charlotte allume sa cigarette, inhale profondément, ferme les yeux, exhale lentement pas le nez.

Bingo : reconnaissance immédiate du produit, capital sympathie assuré, Gitane fait maintenant partie du scénario. À quand le César du meilleur placement produit ?

Avec les trous laissés dans la grille des programmes de TF1 et M6, ce genre de mini-séries pullule. Et devine quoi… Les audiences ont augmenté ! Toutes les petites chaînes qui faisaient la merveille de la TNT ont plié bagages. Nous sommes revenus 30 ans en arrière, le média TV est dominé par ses acteurs historiques, renforcés par leur position dominante sur un secteur où l’offre s’est raréfiée.

Ce bouleversement s’observe sur tous les autres médias d’ailleurs, radio, presse, web etc. Seuls les gros poissons ont survécu, ceux dont tu n’avais pas besoin de Google pour trouver leur site. Ceux qui avaient assez de fonds pour survivre de façon autonome six mois, ceux qui ont su construire une base de clients suffisamment grande, un écosystème autosuffisant.

Mon stage touche à sa fin et j’ai signé mon CDD en tant que concepteur-rédacteur senior ! La pub est morte, vive la pub !